Récipiendaires

2021

Mme Evelyn Dionne
Doctorante, Université Laval

Le mouvement syndical comme acteur de la lutte aux changements climatiques: le cas de l’industrie de la construction québécoise

La thèse de la candidate porte sur les facteurs expliquant l’adoption, par les organisations syndicales, de pratiques et de positionnements en regard des politiques et pratiques mises en œuvre dans les activités économiques afin d’atteindre des cibles de réduction d’émission des gaz à effet de serre (GES). Le projet s’intéresse à cet enjeu sous deux questions principales : 1) Quels sont les facteurs expliquant l’adoption par les organisations syndicales de politiques en regard des politiques contribuant à la lutte aux changements climatiques ainsi que les pratiques et positionnements en découlant? 2) De quelles façons ces politiques, et les pratiques et positionnements à leur égard, sont-elles sources d’unité ou de divisions au sein du mouvement syndical ? La thèse sera composée de trois articles abordant cet objet sous des angles complémentaires. 

Ce projet repose sur l’étude de cas multiples, car elle permet d’explorer les interactions entre la structure, les événements, les actions et le contexte afin d’identifier et d’expliquer les mécanismes de causalité dans l’approche réaliste critique. L’approche réaliste critique est très appropriée pour l’étude des changements climatiques, car elle soutient une ontologie centrée sur la réalité matérielle du problème (Cornell et Parker, 2010). Les cas étudiés seront des organisations syndicales de l’industrie de la construction québécoise en raison de la forte présence syndicale et qu’on y retrouve, du pluralisme syndical qui y prévaut et de la relation de double dépendance entre l’emploi et l’environnement naturel qui s’y manifeste avec force. La démarche de recherche s’inscrit dans un cadre théorique critique en relations industrielles.  

Cette étude revêt une grande pertinence dans le contexte actuel de la crise climatique où l’on assiste à une multiplication de normes et lois visant à lutter contre les effets néfastes de ceux-ci ou à en minimiser les impacts sociaux. En effet, le système capitaliste actuel étant basé sur la production et la croissance économique sans fin, les travailleurs et leurs organisations représentatives se retrouvent en situation de double dépendance : d’un côté, de l’environnement naturel qui leur offre un milieu de vie sain, et de l’autre côté, d’un emploi qui leur permet de subvenir à leurs besoins matériels. Les organisations syndicales ont donc un rôle très important à jouer afin de prévoir et mettre en place une transition énergétique qui permet de tenir compte des travailleurs et des transformations sur l’emploi. Les acteurs du monde du travail n’ont pas été suffisamment considérés comme des acteurs clés de l’atteinte des cibles de réduction d’émission des GES. Il y a donc un besoin criant d’approfondissement de la connaissance afin de mieux comprendre pourquoi les organisations syndicales se mobilisent, ou non, sur les questions environnementales, particulièrement dans les industries où les syndicats occupent une place importante dans la régulation du marché de l’emploi.   

Evelyn Dionne est doctorante en relations industrielles à l’Université Laval où elle s’implique dans une équipe de recherche internationale s’intéressant à la littératie climatique des travailleurs de la construction et dans une équipe multidisciplinaire œuvrant à l’intégration professionnelle des femmes et des groupes sous-représentés (personnes immigrantes, personnes racisées, personnes avec un handicap) dans les métiers de l’industrie de la construction. Cette jeune chercheuse est récipiendaire des bourses d’étude du Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le travail  depuis trois ans ainsi que des bourses d’excellence de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux, de l’Association du personnel administratif professionnel de l’Université Laval, de la bourse Marcel-Pepin de la CSN et de la bourse de la Centrale des syndicats du Québec. Elle se démarque par la qualité de son dossier académique et la pluralité de ses implications syndicales et universitaires.

2022

Mme Virginie Lambert-Bérubé
Maîtrise, Université de Montréal

Comment encadrer les travailleurs indépendants et précaires de la gig economy? Réflexion sur le modèle coopératif belge Smart

Comme le nom du travail de recherche de la candidate l’annonce, cette recherche porte sur l’encadrement des travailleurs précaires issus de la gig economy (l’économie de plateforme ou à la demande) via le modèle coopératif. En réponse aux nouvelles formes de capitalisme qui ont modifié le marché de l’emploi contemporain, certains groupes de travailleurs ont décidé de s’organiser et ont formé des coopératives dans plusieurs pays d’Europe. Cette idée leur permet de mutualiser plusieurs services et d’accéder à certaines protections sociales. Le principe est que le travailleur autonome parvient à obtenir un statut de salarié, mais de la coopérative, et ce, pour la durée du contrat. En Belgique, le modèle Smart existe déjà depuis une vingtaine d’années. Il s’est ensuite développé dans sept pays d’Europe. Il est toutefois uniquement rentable en Belgique. Plusieurs coopératives coexistent maintenant. Bien que ce modèle soit imparfait et que plusieurs critiques lui soient adressées, ces coopératives répondent à un besoin de protection des travailleurs indépendants.

Ces initiatives, nées et développées au sein de contextes institutionnels particuliers, sont-elles « exportables »? Dit autrement, est-ce que ces initiatives, permettant de contrer la précarité de plusieurs travailleurs n’ayant pas accès à la syndicalisation traditionnelle, pourraient être développées ailleurs dans le monde? Le travail de recherche tente donc de répondre aux questions suivantes; comment les coopératives de travailleurs autonomes pourraient-elles s’implanter au Québec? Est-ce que cette expérimentation institutionnelle pourrait être une nouvelle forme de revitalisation de l’action syndicale?

C’est grâce aux théories de renouveau syndical de Murray (2017) que la candidate a majoritairement théorisé ce travail. Le travail dirigé a démontré que les coopératives de travailleurs autonomes ne pourraient pas s’implanter à première vue au Québec sans une réflexion sérieuse de la part des centrales syndicales, sans des adaptations majeures du modèle coopérative belge et sans une modification du cadre juridique québécois. Ensuite, la candidate a réfléchi à la possibilité de pousser le modèle malgré les limites afin d’en faire une expérimentation institutionnelle tout comme l’a fait Smart il y a une vingtaine d’années. Vu la montée fulgurante des emplois précaires découlant de la gig economy ainsi que la difficulté pour les syndicats de renouveler leur membership, il s’agit d’une opportunité pour les syndicats de s’intéresser à ces travailleurs traditionnellement exclus des zones syndicables (Haiven, 2006). 

Virginie Lambert-Bérubé termine sa maîtrise en Relations industrielles à l’Université de Montréal. Elle a complété une session à l’Université Catholique-de-Louvain ainsi qu’effectué le terrain de recherche nécessaire à la réalisation de ce travail de recherche en Belgique. Elle est récipiendaire d’une bourse du Centre interuniversitaire sur la mondialisation et le travail (CRIMT), de la bourse de LOJIQ, de la bourse de l’Ordre des conseillers en Ressources humaines agréées (CRHA), de la bourse Wilrose Desrosiers et Pauline Dunn, de la fondation Desjardins et d’une bourse du Fonds du ministère de l’Enseignement supérieur. Elle se démarque par la qualité de son dossier académique et par son implication syndicale des sept dernières années au sein de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ). Après avoir complété sa maîtrise tout en travaillant comme infirmière clinicienne en pleine pandémie, elle est maintenant conseillère syndicale au secteur sociopolitique à la FIQ. 

2023

M. Jonathan Michaud
Doctorat, Université de Montréal

Les stratégies syndicales écologiques : Expérimentation, rationalité, pouvoir et transitions dans le secteur métallurgique au Québec

Cette thèse vise à analyser les stratégies syndicales écologiques, c’est-à-dire la contribution des syndicats à « un nouveau modèle de civilisation capable de transformer les rapports des hommes entre eux, à leur environnement et à la nature » (Larrère, 2018, p.122). Dans le contexte de la crise écologique où les travailleurs sont exposés à des conséquences environnementales et climatiques sur leur santé et leur emploi, le rôle des syndicats se clarifie. En cela, on observe une métamorphose des enjeux syndicaux où apparaissent de nouveaux terrains de négociation autour de la durabilité des activités et où se transforment des enjeux traditionnels autour de la sécurité, de la voice et de l’équité face à ce défi. Ce sont, entre autres, les mécanismes du dialogue social – fondamentaux aux systèmes de relations industrielles – qui sont mis à l’épreuve. Pour les syndicats, c’est notamment la transition juste qui est au cœur de leur approche stratégique. L’intégration de ce principe s’est faite dans les instances onusienne, dans l’Accord de Paris pour le climat de 2015, les Principes directeurs pour une transition juste vers des économies et des sociétés écologiquement durables pour tous de l’OIT et le Programme de travail sur la transition juste des COP. Or, il persiste des différences dans les approches des syndicats, ce qui ouvre à distinguer des types de stratégies syndicales de transition juste (Kalt, 2022), mais aussi à distinguer les capacités syndicales à mettre en œuvre ces stratégies et les résultats qui sont observés.
 
Cette recherche apporte un éclairage nouveau sur le développement de stratégies par les syndicats qui opèrent dans le secteur de la métallurgie au Québec. Elle identifie les contradictions du système capitaliste face à la crise écologique et les voies de sortie qui sont offertes aux syndicats selon les différents niveaux (local, provincial/régional, national, international). Elle identifie aussi les mécanismes de rationalité et de construction des intérêts des travailleurs qui sont au cœur des stratégies syndicales écologiques et de l’expérimentation organisationnelle et institutionnelle. Cette étude du pouvoir syndical et des cycles courts et longs explore les conditions de possibilités (compossiblity) (Jessop, 2014) d’une transition de l’économie vers sa soutenabilité (Räthzel, Cock et Uzzell, 2018).

L’objectif central étant de saisir l’apport stratégique des syndicats à la transition juste et précisément de :

1)    Mieux comprendre le travail syndical qui est nécessaire pour développer les capacités syndicales essentielles à une stratégie syndicale écologique; et
2)    Mieux comprendre comment les organisations syndicales surmontent les pressions institutionnelles et structurelles en vue d’une transition juste.
 
Jonathan Michaud est doctorant en relations industrielles à l’Université de Montréal sous la direction de Mélanie Laroche. Il contribue à plusieurs projets de recherche sur les recours des syndicats face à la crise écologique, ainsi que sur les travailleurs précaires et sur le secteur public. En plus d’avoir bénéficié du soutien et de la reconnaissance du CRIMT, de l’École de relations industrielles par la bourse Louis-Laberge du Fonds de solidarité de la FTQ et des Études supérieures et postdoctorales de l’Université de Montréal par la bourse d’excellence Hydro-Québec, il a été sélectionné pour développer et enseigner un cours Fellows HORizon sur la thématique « Transport, environnement et équité » à la Faculté des arts et sciences de l’Université de Montréal. Impliqué dans le domaine des relations industrielles, de 2019 à 2023, il a été responsable des communications pour l’Association canadiennes des relations industrielles (ACRI) et il est cofondateur des Enfants des possibles en relations industrielles (EPRI), un groupe de réflexion qui participe depuis 2016 à la discussion sur l’avenir du travail.